Suzanne Bossé
Diplômée de l'École de travail social
Des plus inspirantes, Suzanne Bossé (travail social 2020; linguistique et psychologie 2016) s’investit auprès des autres comme travailleuse sociale à la Clinique Médicale Espace Santé IDS. Même si des obstacles et des défis en santé mentale ont parsemé son parcours, elle démontre résolument que son propre vécu peut lui servir à soutenir ses patientes et patients, prouvant qu’avec l’appui nécessaire tout est possible.
Bien que le travail social ne se soit pas imposé dès le début, l’attirance vers une profession en relation d’aide était déjà solidement ancrée en elle et s’est tout d’abord manifestée pour l’orthophonie. Après un baccalauréat en linguistique et psychologie à l’Université de Montréal (UdeM), elle a poursuivi vers une maîtrise en orthophonie à l’Université McGill, programme qu’elle n’a pas terminé puisqu’elle a décidé de se réorienter et de retourner à l’UdeM pour compléter un baccalauréat en travail social.
« Lors de mes emplois étudiants dans le milieu communautaire et de mes expériences de bénévolat, j’ai vu à quel point les conditions de vie ont une incidence sur la manière dont les gens s’en sortent et ce que ça pouvait créer comme difficultés, souligne-t-elle. Je voulais donc plutôt opter pour un type de relation d’aide qui prend en compte l’environnement de la personne. J’avais aussi acquis la maturité et la solidité nécessaires pour m’exposer aux vulnérabilités des autres. »
Un coup de cœur partagé
Cette maturité et cette solidité face aux vulnérabilités, elle les attribue en partie au Y des femmes. Non seulement cette communauté a su l’accueillir à bras ouverts en 2014 quand elle-même s’est mesurée à des enjeux de santé mentale, mais c’est en y côtoyant des femmes vivant diverses problématiques psychosociales qu’elle a développé un intérêt encore plus grand pour l’intervention et la relation d’aide. Cette reconnaissance est des plus réciproques puisque l’organisme lui a remis son prix Coup de cœur 2022 pour son incidence positive et durable dans la société.
Dès son stage à l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal, elle a fait preuve de son engagement pour la collectivité. Son baccalauréat en travail social en main, elle a été embauchée au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et depuis décembre 2021, elle reçoit des patientes et patients dont la majorité souffre d’enjeux de santé mentale. Les outils acquis pendant son propre rétablissement lui servent à les soutenir et à comprendre leurs problématiques.
« Ça donne beaucoup de crédibilité à une intervenante de pouvoir dire qu’elle connaît et a même utilisé une ressource qu’elle suggère, affirme-t-elle. Mon parcours influence le regard que je pose sur les difficultés de mes patientes et patients, je suis en mesure de me mettre à leur place. »
Investiguer pour viser le mieux-être
Elle est animée quotidiennement par sa pratique pour maintes raisons : « Puisque je fais beaucoup d’accueil, d’évaluation et d’orientation, je peux voir la personne juste une ou deux fois. J’essaie donc de trouver l’outil ou la ressource qui lui permettra de vraiment retirer quelque chose de notre rencontre. » Motivée par les défis, elle se donne à fond pour mettre le doigt sur une problématique plus difficile à cerner, effectuant des recherches, appelant l’entourage de l’individu traité, posant des questions, telle une enquêtrice.
En plus de faire preuve de débrouillardise, elle évoque comme premières qualités nécessaires pour faire ce métier l’empathie et l’entregent : « Pour se confier, la personne doit se sentir rapidement à l’aise avec toi. Il est important aussi d’établir la bonne dose de distance professionnelle et de tirer parti des connaissances dans d’autres domaines pour être de meilleurs cliniciens et cliniciennes. » En effet, des disciplines connexes telles que la linguistique, l’orthophonie, la psychologie, pour ne citer que celles-ci, peuvent enrichir l’analyse de la situation ainsi que nourrir la pratique et le regard clinique lors d’interventions.
Alors que l’on constate un début de changement des perceptions par rapport à la santé mentale, il reste encore beaucoup de chemin à faire selon elle pour prévenir les problèmes et notamment ceux liés au monde du travail : épuisement professionnel, troubles anxieux, droit à la déconnexion, harcèlement, etc. Il faut aussi en parler le plus possible et mettre de l’avant des exemples de réussite.
« Ce que je veux que vous reteniez de mon histoire, conclut-elle, c’est que les personnes qui ont des enjeux de santé mentale peuvent vivre une existence épanouie et contribuer à la société, parfois même en devenant une professionnelle ou un professionnel évoluant dans ce domaine. » Et Suzanne Bossé en est la preuve.